Francis
PICABIA

(1879 - 1953)

Francis Picabia est l’une des figures atypiques de la scène artistique de la fin du XIXème siècle et du milieu du XXème. Peintre, dessinateur et même poète au milieu de sa vie, cet artiste iconoclaste explore de nombreux courants de son temps parmi lesquels le Futurisme, le Cubisme, le Fauvisme ou encore l’Orphisme. De plus, sa trajectoire artistique rencontre inévitablement le chemin de Dada et du Surréalisme. De Paris à New-York, il va voyager, diffuser, rencontrer et distiller les idées de l’avant-garde ; ne cessant de se réinventer et ayant toujours une longueur d’avance sur le goût de demain et celui d’hier. 

Une scolarité chaotique l’amène dans un premier temps à entrer à l’École des Arts Décoratifs, mais il fréquente plus volontiers l’École du Louvre où il rencontre les peintres Georges Braque et Marie Laurencin. L’année 1897 représente une première date marquante pour l’artiste Picabia ; elle marque sa rencontre avec l’impressionnisme par la découverte de l’œuvre d’Alfred Sisley, renforcée, un an plus tard, en 1898, par l’entourage de la famille Pissarro. Toutes ces rencontres l’amènent ainsi à exposer régulièrement au Salon des artistes français et au Salon d’Automne ; c’est une période féconde qui dure plus de dix ans.

En 1909, s’opère une rupture : Picabia prend le chemin de l’abstraction, notamment avec son œuvre Caoutchouc réalisée la même année, œuvre considérée bien plus tard comme l’une des œuvres fondatrices de l’art abstrait. Durant cette année 1909, il épouse également Gabrielle Buffet, et quatre enfants naitront de cette union. Cette rencontre amoureuse avec cette jeune artiste d’avant-garde sera pour lui une véritable stimulation intellectuelle et picturale qui l’accompagnera sur les chemins du dadaïsme. Marc Le Bot écrira dans sa thèse, Francis Picabia et la crise des valeurs figuratives : « plus d'idées neuves qu’aucun autre artiste d’avant-garde. Il aurait été cubiste comme Braque et Picasso, orphique comme Delaunay et il aurait de surplus inventé l'art abstrait, sans jamais consentir à exploiter systématiquement aucune de ces formules. » Cette phrase est très symptomatique de la méthode Picabia, de son être profond et de sa manière de traverser la vie. C’est un génie passionné qui ouvre une voie nouvelle avec talent et qui la délaisse immédiatement pour courir en ouvrir une autre, avec autant de génie, ailleurs ; initiant le mouvement pour les autres. Francis Picabia, c’est l’histoire d’un artiste qui révolutionne, améliore, ou encore surprend le monde de l’art et ses multiples mouvements. Cette manière de faire, d’agir, l’artiste la suit aussi bien en art qu’en amour, les deux domaines étant étroitement liés pour lui. Simone Collinet, Germaine Everling et Olga Molher, les trois femmes marquantes de Francis Picabia, toutes correspondent à un tournant dans la vie artistique de l’artiste ; comme si l’art et l’amour devaient être au diapason, l’un ne pouvant aller sans l’autre.

En 1911, Picabia s'associe au groupe de Puteaux, réuni dans le studio du peintre Jacques Villon, frère de Marcel Duchamp. Par la suite, l’année 1913 pour Picabia est synonyme de voyages et de découvertes ; il est invité à exposer à l’Armory Show en tant qu’ambassadeur et porte-parole de l’avant-garde européenne. Les quatre toiles qu’il expose alors sont diversement appréciées par la critique, sauf quelques rares personnalités qui louent la modernité de l’artiste. Paris à ce moment-là est encore le centre de gravité de l’art en Europe mais ce centre tend à se déplacer vers New-York. Picabia prendra une part active dans les mouvements d’avant-garde introduisant l’art moderne sur le continent américain.

Arrive la rencontre avec le mouvement Dada, qui correspond pour Picabia à une recherche tout à fait personnelle et intérieure vis-à-vis de son art. Cette entreprise dadaïste le fait inévitablement se rapprocher d’André Breton ; c’est aussi lui qui en sabotera les bases tout en gardant une démarche dadaïste dans ses entreprises et créations artistiques futures. Figure essentielle du mouvement dada à Paris, celui qui se surnomme tantôt « loustic », tantôt « rastaquouère » ou « funny guy » crée son propre mythe, celui d’un artiste mondain prisant les femmes, la Côte d’Azur, les voitures et les galas. Mais la frivolité et la désinvolture érigées chez Picabia en art de vivre ne doivent pas éclipser une œuvre en perpétuel questionnement. Parmi elles, nous pouvons citer des aquarelles mécanistes de 1915-1921 La Fille née sans mère aux propositions ready-made ou La Danse de Saint- Guy.

Francis Picabia entreprend également une activité littéraire et fonde à Barcelone en 1917 la revue 391 en hommage à Alfred Stieglitz avec sa revue 291 ; la revue durera de 1917 à 1924 et propose des poèmes, des illustrations ou encore des textes souvent violents et sur un ton très agressif. Y participent régulièrement Man Ray et Marcel Duchamp.
Il reste la question de Picasso et de Picabia, « les deux Pica » ; c’est ainsi que l’on peut nommer les deux frères ennemis qui se sont regardés tantôt avec envie tantôt avec jalousie. Le premier est un peintre connu et reconnu, qui connait son style et qui, tel un besogneux, le décline avec méthode ; le second est un aventurier, s’essayant à tous les styles et jouant le coup d’éclat permanent, aussi bien dans la vie que dans les arts. Picasso et Picabia, c’est l’histoire d’une relation qui ne dit pas son nom, les deux artistes vivant dans une rivalité froide sans pour autant être sur les mêmes lignes picturales. Là où Picasso construit sa carrière, peint et expose, jouissant de la notoriété qu’il a construite patiemment, Picabia décide de vivre et d’explorer, sans jamais se retourner et en continuant d’innover.

La vie de Francis Picabia est une véritable vie d’artiste, au sens premier du terme, faites de rencontres, de voyages, d’entreprises, tantôt en haut de l’affiche, vivant de tout et pour tout, tantôt réduit à la normalité et à une vie raisonnable et rangée. Francis Picabia peut néanmoins se targuer d’avoir été à l’avant-garde de l’avant-garde et ce dans de nombreux domaines. Il sut se retrouver à l’endroit exact de l’avènement de la modernité, parfois en simple spectateur, et souvent en tant qu’acteur de ce changement.
 

Fine Arts Paris & La Biennale 2022
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