Henri
LEBASQUE

(1865 - 1937)

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Oeuvre indisponible à la vente, elle a été proposée dans le cadre de l'exposition "EXPOSITION INAUGURALE AU PAVILLON DE LA REINE JEANNE"

Saint Tropez, le hamac sous les pins, 1923

Huile sur toile, signée en bas à gauche.
73 x 91.30 cm

Provenance : 
Galeries Georges Petit, Paris, février 1923 
Vente Moudon, Lausanne, 1er avril 1965, n°97 
Vente Germann, Zurich, 28 novembre 1974, n°143 
Collection privée, Suisse Vente Koller, Zurich, 24 juin 2011, n°3222 
Collection Walid Juffali, Londres 
Vente Bonhams, Londres, 1er mars 2018 
Collection privée, Pays-Bas

Bibliographie : 
Denise Bazetoux, Henri Lebasque, Catalogue raisonné, Tome I, 2008, reproduit en noir et blanc sous le n°1217 p.299.

Expositions : 
Exposition d'art français de Stockholm, Galeries Georges Petit, Paris, février 1923 
Autumn French Exhibition, Compagnie Franco-Japonaise, immeuble Asahi-Shimbun, Tokyo, novembre 1927.

 

UNE SIESTE EN ARCADIE

De son ascendance angevine, de ses grands-parents cultivateurs et de son père marchand de bois, Lebasque aura gardé une âme foncièrement sylvestre. Il s’accommode peu des villes, y compris d’un point de vue strictement physique, lui qui souffre de rhumatismes depuis sa jeunesse. Le Sud, sa chaleur et sa lumière ont donc été d’un attrait particulier pour l’homme et ils l’auront été davantage encore pour le peintre.

C’est en 1906 qu’il découvre la côte méridionale, séjournant sur les conseils de son ami Manguin à la villa Demière à Saint-Tropez. Il en demeurera épris pour la vie. Chaque année, aux beaux jours, il y passera plusieurs mois, tantôt à Sanary (1911), à Nice (1913), à Sainte-Maxime (1914), à Cannes (1918), de nouveau à Saint-Tropez (1920), poussant même jusqu’à Collioure l’année suivante, puis au Pradet (1923), avant de se fixer de manière plus pérenne dans les environs de Cannes.

En 1895, Lebasque se marie et son épouse assure dans le couple un rôle supplémentaire : celui de modèle. Elle pose d’abord dans l’appartement parisien de leurs premières années de mariage puis se laisse peindre à l’occasion de parties de campagne dans la Marne, tandis que les médecins ont conseillé à Lebasque de quitter Paris, qui lui était néfaste.

Bientôt, l’union est fortifiée par des naissances, offrant à Lebasque une inspiration familiale quotidienne. Marthe et Nono, les deux enfants chéries, sont au jardin avec leur mère, cousant, lisant, posant simplement, égrenant pour le peintre des chapelets d’infinie bienveillance. Pierre, le petit dernier, les rejoint parfois, avec la bonhomie de la petite enfance.

Ainsi va la vie des tableaux de Lebasque : dans des jardins ensoleillés à la végétation luxuriante, sourient les épisodes de la prospérité familiale. La vie terrestre, en revanche, n’est pas ainsi faite, et le peintre souffre notamment de problèmes récurrents de santé et d’argent. Lebasque n’est certes pas un théoricien mais c’est un homme laborieux, même si l’on ne devine pas la peine qu’il met à l’ouvrage sous les brumes légères, roses et mauves, de l’éternel été méditerranéen.

Hélène, Nono, fait une sieste en bord de mer, sur une chaise longue qu’encadrent un palmier, des agaves, exotique décor digne d’un jardin d’Eden, dans ce tableau qui fut exposé à la galerie Georges Petit au début de l’année 1923.

En arrière plan, le golfe de Saint-Tropez se dévoile, la mer comme une laisse bleue plus marquée que la colline, naissant à la lisière des songes de la rêveuse. Les yeux clos et les bras abandonnés au dessus de sa tête, la sage odalisque est vêtue d’une robe blanche, volantée et estivale, elle a gardé ses escarpins.

Cette pudeur l’en éloigne d’emblée, pourtant la composition, le motif, ne sont pas sans rappeler une toile peinte par Matisse sensiblement au même moment et récemment vendue dans le cadre de la dispersion de la collection Rockefeller. L’odalisque couchée aux magnolias, exécutée au cours de l’année 1923, présente une femme allongée dans la même position, à la différence près que celle-là est largement dévêtue. Chez Matisse, le fond végétal est également présent mais feint : c’est une scène d’intérieur et en fond du bouquet de magnolias, les frondaisons qui entourent le modèle sont celles du papier peint.

Matisse, Lebasque, deux amoureux du Sud, ont évoqué chacun à leur manière, dans un style et dans une palette très différente, la joie de vivre dans la lumière méridionale.
Lebasque partage davantage avec Bonnard, avec certains Nabis, réunis dans cette adoration de l’intimité du foyer, devenu centre du monde, centre de l’inspiration. Mais cette intimité, Lebasque l’entraine au dehors, il la présente au soleil méditerranéen. Il ne la surexpose pas, bien sûr, il l’abrite sous les tonnelles et les grandes palmes bienveillantes, il la réchauffe encore au soleil d’un jardin clos, d’une presqu’île chuchotée, en l’absence des autres hommes.

Comme Manguin, il vit la félicité domestique, qui l’inspire en tant que peintre, comme une communion avec la nature : le jardin méditerranéen, la lumière qui le baigne, sont aussi chers et indispensables à sa vie, à sa peinture, que les membres de sa famille, les modèles aimés.

L’affection se mue sur la toile en une palette tendre de roses, de mauves, de verts bleutés et de bleus soyeux, vaporeuse comme la sensation d’un souvenir d’été.

Chaque tableau d’Henri Lebasque est une fenêtre ouverte sur son monde. Et sur le monde... une représentation sensible, où le visible est le support de l’invisible. A chaque embrasure, affleure la résurrection d’un instant perdu : celui du bonheur familial de l’artiste, et, davantage encore, celui auquel il fait écho en nous.