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Octobre

2021








Cinquantenaire de la disparition du peintre Joseph Inguimberty

Joseph Inguimberty en Indochine

Inguimberty disparaissait il y a tout juste 50 ans, le 8 octobre 1971. Depuis plusieurs années, la galerie s'attache à défendre, aux côtés des ayant-droits de l'artiste, le travail de Joseph Inguimberty et nous tenions ici à saluer sa mémoire, la poésie qu'il nous a offerte et à honorer son apport à l'extraordinaire aventure que fut l'Ecole des beaux-arts d'Hanoï dont les éclats nous parviennent encore aujourd'hui.

A l'été 1924, le jeune artiste d'origine marseillaise vient de remporter le Prix de peinture du Salon de la Nationale et la proposition qu'il s'apprête à accepter va changer le reste de sa vie et de sa carrière.

Les peintres Victor Tardieu et Nam Son sont en France, notamment pour recruter le corps enseignant de l'Ecole des beaux-arts d'Hanoï, qu'ils viennent tout juste de fonder sous l'égide de l'administration coloniale. Inguimberty se voit proposer le poste de professeur d'arts décoratifs.

Il s'embarque donc pour l'Indochine sans imaginer qu'il y restera plus de vingt ans, à vivre et travailler au plus près de la première génération d'artistes vietnamiens. Il enseigne autant qu'il apprend dans ces paysages du delta tonkinois qu'il parcourt avec son ami le géographe Pierre Gourou et qui lui inspirent une palette mate et profonde, faite de verts subtils, d'ocres et de marron.

Aujourd'hui, Joseph Inguimberty est salué comme l'un des peintres ayant le mieux cerné l'âme de son pays d'adoption. Il est l'un des acteurs majeurs de cette formidable aventure artistique croisée entre Orient et Occident que fut l'Ecole des beaux-arts d'Hanoï, par delà la polémique coloniale. 
Ses oeuvres, rares sur le marché, sont particulièrement recherchées par les amateurs. 

Inguimberty à la rencontre des minorités ethniques à Sapa

Dans cette grande oeuvre sur papier actuellement présentée aux murs de la galerie, Inguimberty déploie un décor panoramique inhabituel. Lui qui représente plutôt les plates rizières et leurs travailleurs aux abords du fleuve Rouge ou des coins de mares sous la canopée, nous montre ici un décor montagneux, à la frontière de la Chine, où les nuages s'accrochent aux sommets. 

Au pied du Phan Xi Păng, dans cette région que les français nommaient "les Alpes tonkinoises", un groupe de Hmong Noirs entoure Jeanne, l'épouse du peintre. 
Inguimberty s'est particulièrement intéressé à cette minorité ethnique, montrant notamment, dans une série de petits travaux, des femmes en train de coudre, dans ces vêtements traditionnels de couleur foncée, qui les distinguent des autres Hmong et plus largement des autres ethnies présentes à Sapa. 
Jeanne, vêtue de blanc, est assise sur un rocher au centre du groupe. Venue à Hanoï par avion pour accompagner ses nièces auprès de leurs parents qui y résident (la guerre a éclaté en France et leurs grands-parents ne peuvent plus s'occuper d'elles), la jeune-femme, originaire  de Menton, avait fait la connaissance de l'artiste et était demeurée à ses côtés en Indochine. En juillet 1942, Jeanne et Joseph se marient. Cette oeuvre, datée justement de 1942, rend donc compte de leur séjour à Sapa, probablement au cours de l'été, peut-être leur voyage de noces...

Selon ses enfants, si les événements ne l'y avaient pas contraint, il ne fait aucun doute qu'Inguimberty,  "Monsieur I" comme l'appelaient affectueusement ses élèves, n'aurait jamais quitté le pays qu'il avait appris à connaitre et aimait profondément. Il aurait continué à y construire sa vie aux côtés de sa femme Jeanne et de leurs enfants, il aurait continué à peindre dans les rizières et à enseigner à ses élèves comment l'on construit une toile et comment on choisit ses couleurs, par l'observation lente, patiente, de la nature, par l'apprentissage laborieux du métier.