Pierre
BONNARD

(1867 - 1947)

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La conversation, circa 1913

Huile sur toile, cachet de la succession en bas à gauche.
28 x 23 cm

Provenance : 
Succession Bonnard 
Collection Pierre et Marie-Françoise Vernon

Expositions : 
Pierre Bonnard, Arthur Tooth & sons, Londres, 17 juin - 12 juillet 1969, reproduit au catalogue d’exposition sous le n°1.
Pierre Bonnard : Observing Nature, National Gallery of Australia, 7 mars - 09 juin 2003 puis Queensland Art Gallery, 4 juillet - 28 septembre 2003, reproduit au catalogue sous le n°28. Matisse e Bonnard,Viva la pittura!, Rome 6 octobre 2006- 4 février 2007. reproduit sous le n°141.

Bibliographie : 
Jean et Henry Dauberville, Bonnard : catalogue raisonné de l’oeuvre peint, vol. 4 (1940 - 1947), Bernheim-Jeune, Paris, 1974, n°02036

Attestation d'authenticité établie par Monsieur Pierre Vernon. 

 

L’INTIME CONVICTION DU SUD

Pour comprendre le Bonnard amoureux du Sud, crochetant à sa palette la lumière des couleurs, il faut d’abord avoir vu l’autre Bonnard, celui des hivers frileux, des matins gris.
Il faut avoir connu le « Nabi très japonard », ses agencements fouillés, superposant les points de vue, ses cadrages serrés et audacieux, son exploration de la planéité, l’estampe japonaise pour source et modèle. L’ami de Vuillard se plait, comme lui, dans les intimités qu’il recrée. Salles à manger ou chambres sont propices à révéler de subtiles ambiances, rendues au moyen de tonalités contrastées, avec une économie dans la palette qui ne le caractérisera plus par la suite.

Les lieux de divertissement nocturnes, la rue elle-même, deviennent aussi pour l’artiste des espaces clos par le biais du cadrage, qui lui permet d’extraire un fragment d’intimité, comme une coupe franche au coeur de la vie qui passe.

En 1904, il découvrira le Sud et alors... plus rien ne sera comme avant. Il écrira ainsi à sa mère une phrase restée célèbre dans son parcours : « J'ai eu un coup des Mille et Une Nuits. La mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières ... ».

C’est l’éblouissement, la sensualité, la gourmandise non retenue de la palette. Les paysages exultent, la lumière s’y propage comme une immense vague tendre et joyeuse. Bonnard a goûté au paradis terrestre. C’est au Cannet qu’il finira ses jours, mettant à sa peinture toutes ses forces.

Marthe la muse, la femme. Celle par qui Bonnard jurera toujours, bien qu’il ne lui fût pas toujours fidèle. Il lui donnera pourtant la préférence définitive en l’épousant après longtemps de vie commune, délaissant pour elle la jeune et blonde Renée, celle qui se noiera de tristesse dans sa baignoire.

Marthe et son caractère ombrageux, exclusif, les précautions continuelles qu’elle prend pour sa santé, auront, pour beaucoup, éloigné Bonnard du monde extérieur. Elle fréquente peu de gens avec plaisir et veille jalousement sur le ronronnement d’une vie à deux qu’aucun cri d’enfant ne viendra couvrir. Pourtant, une véritable complicité semble l’unir à Suzanne, l’épouse de Gaston Bernheim, le marchand attitré de Bonnard depuis 1906. Une photographie les montre toutes deux ensemble, avec Bonnard, dans la tenue qu’elles portent lorsqu’elles sont portraiturées ici en buste, en pleine conversation. Sur la photo, leurs chiens s’ébattent à leurs pieds. Peut-être se sont-elles comprises...