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Inspiration, 1956

Encre et couleurs sur soie (pongé), signée, datée en caractères chinois et portant le sceau de l'artiste en haut à gauche
20 x 12 cm

Provenance :
Collection privée, France

Certificat d’authenticité établi par Mai Lan Phuong.

 

Mai Thu, un poème universel 

Est-ce la douce fermeté des lignes qui dessinent cette femme au visage enfantin encore et aux longues mains tenant le pinceau à calligraphier, qui nous inspire ce sentiment poétique? Qui nous invite à pénétrer dans un univers feutré, silencieux, paisiblement reclus.
À moins que ce ne soit la palette, choisie avec soin, qui s’exprime avec d’autant plus de délicatesse que les couleurs sont apposées sur un pongé de soie, épousant la noblesse et les subtiles irrégularités de ce tissage vivant.

Cette soie devient le tissu même du fluide ao dai vert, la tunique vietnamienne traditionnelle que porte la jeune femme, accoudée à sa table en laque. 
Les éléments que l’on vient d’évoquer, ainsi que la mise en page, la composition de la scène, d’une planéité qui met à distance la perspective occidentale, font bien entendu référence à la culture traditionnelle de Mai Thu, artiste vietnamien qui fait partie de la première promotion de l’Ecole des beaux-arts d’Hanoï (il y est élève de 1925 à 1930). 

Pourtant, nous sommes en 1956 lorsque l’artiste réalise cette oeuvre. Cette date est calligraphiée en caractères chinois près du cachet de sa signature, comme Mai Thu a l’habitude de le faire. L’artiste est donc installé en France depuis près de vingt ans tandis qu’il peint cette jeune vietnamienne à sa table de travail. Mai Thu avait en effet quitté son pays natal, dans lequel il avait eu du mal à trouver sa place.

Fils d’un mandarin haut dignitaire à la cour de Hué, le jeune homme n’avait pas embrassé la vie privilégiée qui s’ouvrait devant lui. Il s’était embarqué pour la France en 1937, accompagné de ses deux camarades Vu Cao Dam et Le Pho, pour participer à l’Exposition Universelle et il était ensuite demeuré dans son pays de coeur, y avait fondé sa famille. 

L’extrême délicatesse des lignes de cette composition semble répondre à une inspiration supérieure, d’ordre poétique ou musical, pourquoi pas : on sait que Mai Thu fut un talentueux musicien, un fervent mélomane et cette sensibilité traverse l’ensemble de son oeuvre. 

Les différentes combinaisons d’un vocabulaire, personnel et raffiné, imaginé par l’artiste, dévoilent en image une harmonie unique dont le pinceau détient le secret.