La baie de Naples et le Vésuve, 1991
Huile sur toile, signée en haut à gauche et datée 1991 en haut à droite.
130 x 195 cm
Provenance :
Collection privée, France
Expositions :
Bernard Buffet, Souvenirs d'Italie, Galerie Maurice Garnier, Paris, novembre-décembre 1991, reproduit au catalogue sous le n°19, p.47.
Bibliographie :
Yann Le Pichon, Bernard Buffet, Galerie Maurice Garnier, Paris, 1990-2007, reproduit sous le n°1119, vol.3, pp. 344-345.
ERUPTION IMMINENTE
Naples, 1991. Dans cette calligraphie incisive si particulière qui est celle de sa signature, la date du tableau est inscrite par Buffet au dessus du cratère du Vésuve, d’où s’échappe une inquiétante colonne grise. Pourtant, à cette date, le volcan ne semblait pas être en colère; depuis la fin de la seconde guerre, les napolitains n’avaient pas vu s’élever au dessus de sa cime ce morbide panache. Le peintre ressuscite donc ici le souvenir de la dernière éruption, lorsqu’en mars 1944, un nuage de cendres avait été projeté dans l’atmosphère. En pleine occupation américaine, le Vésuve s’était éveillé. Il faut dire qu’il ne dormait que d’un oeil et que, depuis une trentaine d’années déjà, une puissante activité volcanique avait été observée, s’accumulant au bord du cratère, si bien qu’elle finit par en déborder. Une colonne de cendres s’en échappa, montant dans les airs à près de cinq kilomètres de haut et des coulées de lave se déversèrent sur les flancs du volcan. Sur les pentes du Vésuve, la lave empruntait ainsi la route principale, s’y frayant lentement un chemin, tandis que, sur son passage, les habitants vêtus de noir priaient à genoux. Cette éruption fit des dégâts matériels et quelques victimes mais les prières des napolitains semblent avoir été entendues et le pire fut évité, contrairement à l’épisode antique qui anéantit les cités de Pompéi et Herculanum en l’an 79. Le retentissement de cette catastrophe est d’ailleurs très présent jusqu’à l’époque contemporaine, particulièrement en raison du résultat spectaculaire des fouilles des sites, entreprises dès le XVIIIème siècle.
Pour Buffet, qui a une très forte conscience de l’omniprésence de la mort, de son imminence au sein de la vie, l’image du Vésuve est sans doute puissamment évocatrice, et davantage encore dans la dernière décennie de sa vie, lorsque sa peinture est très marquée par ce sentiment.
Le ciel est moucheté de cendres, de projections noires et, surplombant la cité, le volcan, des hachures, réalisées selon la technique du sgraffito, évoquent une violence encore contenue. À la nature éruptive, imprévisible, s’oppose l’alignement géométrique urbain, tracé autour du corso Umberto, grande artère aménagée après l’épidémie de choléra, et qui, pour des raisons sanitaires, désenclave le quartier du port depuis la fin du XIXème siècle. La vue semble être prise depuis les hauteurs, probablement depuis la chartreuse de San Martino. La ville, d’apparence ordonnée et stable, rassurante dans sa géométrie fiable, s’étale donc au pied du volcan. La présence de cette colonne de fumée nous assure pourtant de son immense fragilité en raison de sa position.
Et les bateaux, aux éperons pointés comme des armes vers la ville, n’offrent pas de salut.
Cette année 1991 fut riche pour l’artiste, qui exposa en Russie, au musée Pouchkine de Moscou et à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, ainsi qu’à Séoul, au musée Hyundai. Une exposition à la galerie Maurice Garnier est consacrée aux « Souvenirs d’Italie », parmi lesquels figura ce tableau, qui ressuscite, d’une manière un peu ironique au regard de son format, la tradition des gouaches napolitaines.